Une petite parenthèse de ma vie qui m’a amené là où je suis …
C’est un moment qui m’a rendu terne, malade et que j’ai essayé d’oublier, mais je peux maintenant en parler avec le recul nécessaire pour discerner le mauvais du bon… j’aurais peut être dû l’écrire avant, car j’ai pas mal saoulé les gens autour de moi (encore qu’à cette époque, lorsque je rentrais, j’évitais le sujet et mes proches avaient bien compris que ça ne m’enchantait pas d’en parler).
Pour commencer, un petit point sur ma vie avant de signer chez les C..
J’ai 20 ans… je viens de louper 2 fois mon BAC et je décide avec l’accord de mes parents de le tenter une dernière fois par correspondance… la 1ère année, j’ai eu 6 au BAC, je suis une chèvre… la 2ème année, j’accroche le rattrapage de justesse avec un 8.00 > j’ai 72 points à rattraper, j’en choppe 62 (je crois de mémoire)… je pense donc que cette dernière chance est la bonne. En me reposant comme toujours sur mes acquis qui grandissaient inévitablement chaque année. Le problème étant et est toujours (mais je me soigne) que j’étais fâché avec la rigueur, la méthode et que bien malgré mes connaissances qui étaient, semblent elles suffisantes, j’étais incapable de rendre un « devoir type » !!!
Bref… cette dernière année, pour mieux illustrer le salopard que j’étais, je n’ai pas envoyé un seul devoir du moins jusqu’au mois de janvier ou je me suis aperçu d’une horreur qui a sans doute bouleversé tout le reste de ma vie…
J’étais au café comme toujours (au lieu, selon le contrat moral passé avec mes parents, de travailler à l’intérim pour me faire gagner un peu d’argent et de plomb dans la cervelle) et je vois un ancien pote qui s’assoit au comptoir et qui me raconte sa journée :
_ ah bah ça y est !!! je me suis enfin inscrit sur minitel pour passer mon BAC… il était temps… (je ne vous dit pas ce que m’a chuchoté à ce moment la petite voix dans ma tête, mais je vous laisse le deviner…:S)
je suis rentré chez moi plus tôt ce jour là et j’ai chopé le numéro de l’académie pour leur demander si j’étais bien Pré-inscrit pour passer le BAC…on m’a répondu qu’il n’y avait pas mon nom dans le fichier et qu'il était donc trop tard…
la descente aux enfers, 1er arrêt > le purgatoire !!
bon !! l’idée d’aller à l’armée, ne m’est pas venu tout seul… mon père m’avait souvent parlé de connaissances qui s’étaient engagées à l’armée et qui avait par ce biais, bénéficié d’une formation payée avec des avantages non négligeables… en plus, j’étais de fin 78 et je devais y passer ! ça faisait déjà plusieurs mois que mes parents me demandaient de réunir les papiers qu’il fallait pour l’inscription en vu de l’année suivante et j’avoue que ça traînait en longueur…mais bon, la question ne se posait plus là, il y avait des éléments nouveaux et je sentais que l’expulsion n’allait plus tarder ! j’ai dû boucler le reste des papiers en 2 semaines et j’avais déjà les dates de mes 3 jours… 3 jours qui se sont admirablement bien passés d’ailleurs :
j’ai fait le test de la machine infernale et je m’en suis sorti avec les honneurs paraîtrait il > j’étais perdu dans les couloirs en sortant de la machine (faut dire que ça vous abruti un homme ce truc là…^^) et je suis tombé sur un guichet avec mes résultats à la main et un « soldat » m’a dit que c’était d’un niveau sous off, presque off… juste avant d’ajouter :
_mais je n’ai pas le droit de vous dire cela !!! donnez votre feuille de résultat au guichet 112 ( cf astérix et les 12 travaux)
bref, je me lance des roses en même temps que je m’égare…
avec mes résultats, j’aspirais à pas mal de métiers et mon premier choix était celui de faire Topographe (car je savais que celui-ci menait à un métier de plein air bien payé et pas trop con).
Puis plusieurs mois passent. je re-glandouille par intermittence avec quelques missions intérims...
Un beau jour de 2000, mon officier orienteur me re-contacte en me disant :
_monsieur CZINOBER, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Il y a un poste de topographe à pourvoir pour le mois de juin, mais c’est dans l’EST à Commercy (j’avais demandé tout sauf l’EST moi, connaissant la réput' des casernes semi disciplinaire par là bas :S).
_ je vais pas faire la fine gueule, en plus c’est chouette, c'est pour bientôt^^ !!
8 ème régiment d’artillerie de Commercy :
le 06 juin 2000, je commence des classes assez difficile sous un cagnard infernale… le treillis colle à la peau et les lanières du sac (de plus en plus lourd) nous donnent d’étranges boutons… bon, ben là rien de nouveau, ils sont cons, ils opèrent un formatage en règle… bien que j'arrive à me faire bien voire pour mes très bons tirs au FAMAS (merci papa pour ton enseignement de choc), j’en chie pas mal avec mes pieds plats… mais j’y mets du mien et ils le remarquent aussi ! je suis aussi un des plus vieux de mon incorpo et il s’agirait pas de flancher devant les plus jeunes ^^…
les classes se terminent en AOUT et du jour au lendemain, on voit des sourires sur la tête des sergents… ça change !
mon lieutenant me demande à un entretien indiv’ si je ne voulais pas faire l’école de St Maixent (ss off)… fidèle à mon idée de me barrer au plus vite, je décline poliment l’invitation …
peu de temps après, il faut que nous apprenions notre formation de spécialité… et c’est là où ça a un peu merdouillé…
faisant parti de ceux qui ont déjà leur permis, le lieutenant m’envoie au PL (Poids Lourds)… je ne me doute de rien et puis c’est bien ça dans le civil le PL… 1 mois plus tard, je suis envoyé au permis char à Cassis dans le SUD… ça, ça me fait déjà plus chier, mais c’est chouette Cassis (et il y a un beau casino là bas dans lequel j'ai claqué ma solde en 4 passages^^)… je ne me rends toujours compte de rien, mais le régiment, ayant besoin de conducteurs Char et PL, venait de me mettre une jolie étiquette sur le dos…
en 4 mois, j’avais tout chopé et j’étais prêt à l’utilisation !
ensuite, en février 2001, je suis parti en Martinique pendant 4 mois !! je suis tombé dans une nouvelle équipe et l’adjudant chef et ses seconds me font passer un super séjour !! bien que le stage CAA (Centre d’Aguerrissement aux Antilles = stage commando) me tape pas mal dans le potentiel physique, je suis au top de ma forme, l’adjudant chef me note aussi bien que les brigadiers de 3 ans d’ancienneté… ça sent bon la promotion éclair les gars^^ !!
à mon retour, changement de capitaine dans ma batterie de tir (un frappadingue qui essaye de copier son frère capitaine chez les légionnaires). mon régiment était composé d’une batterie de soutient, d’une de commandement et de 4 de tirs. Ces dernières étant évidemment celles qui étaient toujours dehors sous la pluie à s’entraîner à la guerre… chose que J’ADORE !!! et qui dit changement de capitaine dit changement de lieutenant ou « chef de section »
et là c’est le drame...
mon nouveau lieutenant ne peut pas me piffrer… ça avait l’air trop facile pour moi… mes notations, mon sourire de vainqueur et mes silences énervent !! ce petit roquet de 1 an de plus que moi veux me casser ! j’ai un an de service et il pense que je ne suis pas assez passé par la case départ de formatage… il me colle un brigadier chef sur le dos et donc dans mon équipe de combat (soit lorsque nous tirons au mortier, soit lorsque nous sommes en char)… il est sans cesse en train de me rabaisser = tu as oublié ça !! tu ne dois pas dire ceci !! fait ça !! au début, je joue le jeu, je me dis je vais faire mon max pour être irréprochable et il va finir par se la fermer… mais non... c’est pas possible… pendant 1 an et demi j’ai souffert de cette menace permanente au dessus de ma tête et forcément, je ne suis pas passé brigadier comme la plupart de mes potes (les premiers au bout de 1 an et demi)… quand je rentrais le week-end, je ne pensais qu’à lui, je rêvais que je l'écrasais avec ma voiture, je m’imaginais en train de balancer des coqs égorgés dans son jardin…
est donc venu un jour ou il fallait soit que je renouvelle mon contrat de 3 ans ou bien que je dégage sans demander mes restes…
je me suis fait un petit bilan > après un départ plus que prometteur, j’avais finalement bouffer de la merde plus que de raison... j’avais été conducteur tout engin (j’avais même passé le VAB entre temps) mais je n’avais toujours pas appris le boulot de topographe… je ne pouvais donc pas continuer mon plan. En plus, je m’arrêtais au mois de juin 2003 et la batterie partait 4 mois au TCHAD le même mois (je savais que c’était super bien payé = 17000 balles par mois) . En même temps on me disait qu’ils le faisaient exprès de ne pas nous donner ce que l'on voulait tout de suite pour pas qu’on se barre au bout du premier manda. Ma décision était prise, je ressigne et je verrais bien ce que me réserve la suite ?!
le TCHAD :
le brigadier chef m’a un peu foutu la paix pendant cette OPEX. Je pense que pas mal de gens et même des gradés voyaient son manège et celui du lieutenant et ils ont du lui en toucher 2 mots…
sinon là bas, c’était folklorique^^ il y avait des vendeurs avec des badges qui avaient l’autorisation de rentrer dans le camps pour nous arnaquer !! moi ça m’a bien plu, car je trouvais normal que l’on lâche un peu de pognon, nous étions chez eux quand même et ces vendeurs redistribuaient notre argent aux commerçants et aux autres habitants de la ville…l’économie de la ville tournait autour de notre avance sur solde (2000 balles que nous avions tous les mois pour nos dépenses personnelles). Ils savaient même mieux que nous lorsque nous allions la recevoir…lol
ils disaient :
_tiens ! regarde l’avion là haut!! il arrive avec notre argent !! (je me suis bien marré avec certain qui ne manquait pas de sel)
pendant ces 4 mois, j'ai essayé de me fondre complètement avec les locaux… soit du haut de mon mirador, soit à la porte du camps… on discutait de tout... et surtout !! il se marrait de me voir essayer de leur parler en arabe ! on finissait par avoir nos habitués (faut dire qu’à la fin on leur donnait nos bouteilles d’eau à l’encontre des consignes laissées par le chef du détachement).
En dehors de ces fractions de garde, nous prenions les camions et faisions le tour des villages alentours pour nous montrer, donner de l’eau et proposer notre aide^^ ça c’était assez cool !
Il y avait une corvée aussi dont je me souviendrai toujours et à laquelle, je repense sans cesse (aussi à cause de mon métier = animateur dans les écoles et donc surveillant de cantine), le ramassage des poubelles… c’était réservé aux PL il n’y en a pas beaucoup qui l’ont fait là bas : le boulot consistait avec 2 locaux, à ramasser les poubelles de chaque bâtiments, dont celles de l’ordinaire et de les emmener non loin du régiment derrière les dunes… à 200 mètres de la déchetterie je voyais une première tête dépasser… puis 5 autres… puis 20 autres et je voyais au final tout un tas de gamin qui me faisaient des grands gestes avec les bras en sautant… puis on rentre dans la déchetterie qui n’est que du sable que l’on contourne jusqu’au tas d’ordure… avant même que je fasse ma marche arrière pour mettre le cul du camion dans la merde, les mômes sont accrochés de part et d’autre du camion, pendant que d’autres commencent déjà le festin ou bien les recherches ! la première fois tu ne touches plus les pédales en te disant, si je bouge j’en tue un !! mais non, les enfants connaissent mieux le camion que moi et savent parfaitement ou mettre les pieds pour s’accrocher…
Alors viens le moment de la découverte : les 2 éboueurs attendent devant le camion que les mômes aient fini leur boulot de tri > de nos poubelles (les bouteilles de coca, de cirage, des lacets, des fringues), les autres trient la nourriture dans n’importe quel état quelle soit (en remplissant des petits sacs plastiques), d’autres commencent le festin à l’arrière de mon camion (un doigt habile fini un yahourt mal léché etc…) en tout cas tous sont pieds nus et sont recouverts de nourriture de la tête au pied.
Tout autour de moi, c’est l’hystérie, mais il semble régner une certaine organisation, voire hiérarchie, car je vois les plus vieux discuter avec moi … je leur donne des cigarettes ; celui avec une casquette voudrait mes lunettes :
_Donne tes nenettes !!
l’autre ma montre…
et puis, c’est le moment du vidage du camion !! 2 plus vieux prennent les balais et poussent le tas d’immondices broyés en dehors du camion. C’est le boulot des éboueurs, mais j’ai cru comprendre qu’ils les payaient pour ce petit travail… (d’ailleurs je l’ai fait 3 fois et c’était toujours les mêmes). Pour les odeurs, je vous passe les détails !! ^^
c’était la séquence émotion du séjour…
enfin, ils m'ont dit des trucs sympa à la fin que j'ai tenu pour sincère. ils m'ont dit que j'allais leur manquer... hé hé merci les cocos d'Abéché, certains d'entre vous me manquent aussi un peu^^!
Pendant tout le séjour je me suis répété la même phrase plusieurs fois :
_ si je ne passe pas brigadier pendant le Tchad, j’me barre…
j’ai dû la dire pas mal autour de moi aussi comme ça l’air de rien…
Retour du Tchad :
Retour en France quelques jours après mon anniv’, perme de 2 semaines (logiquement c’est 1 mois après une OPEX) je reviens à la réalité. ma copine m’organise un anniv’ surprise chez ses parents avec tous mes potes… oula… ça fait mal… je suis plus habitué à autant de gentilles intentions ! A la fin des 2 semaines, je propose à mes potes de venir à Commercy pour la dernière semaine… j’ai dû mal à les laisser partir… je me décide d’aller voir le médecin le vendredi pour qu’il m’arrête, je m’écroule en larme, il m’arrête 2 semaines !
2 semaines plus tard, je suis obligé de retourner au régiment. Je me pointe en civil, le lieutenant et les autres m’engueulent :
_HEY CZINO !! qu’est ce que tu fous, dépêche toi, tu as un véhicule à préparer pour dans 3 jours (on repartait pendant 2 semaines).
Moi :
_non ! je vais voir le médecin…
passage obligatoire devant le lieutenant : le même qui m’a cassé. Ce salopard voit bien que je ne vais pas bien et que je réclame à voir le médecin, il comprend assez vite que c’est mort, je ne reviendrai plus… il me propose dans un dernier sursaut de salopard de me faire signer une démission, mais je ne suis pas dupe ; si je signe, le combat s’arrête immédiatement, mais j’ai tout perdu… toutes ces années stériles… il ajoute que ça sera pareil dans le civil, que c’est difficile la vie !!
là-dessus, je tape mon poing sur la table (j’ai cru que j’allais me prendre sur le coin de la gueule l’adjudant de 120 kg qui me surveillait mine de rien)
_ oh c’est bon !! je veux plus que vous me parliez comme ça !! vous voulez m’apprendre la vie ?? vous n’avez qu’un an de plus que moi, vous croyez que j’ai pas eu une vie avant de venir ici? Là-dessus, le lieutenant m’a re-vouvoyé et a fini par fermer sa gueule…
j’ai vu le médecin militaire, qui a constaté mon état (tout tremblotant) :
_ je ne peux plus voir de militaires, je vomis lorsque je suis sur le chemin du régiment, je ne mettrai jamais plus le treillis… (j’avais un peu travaillé le texte, mais il n’a pas fallu me forcé beaucoup) là dessus je chiale comme d’hab’…
mon sauveur me dit que je suis en arrêt jusqu’à Noël date à laquelle je passerai voir le médecin réformateur à l’hôpital militaire de Metz…
j’entame une longue phase de léthargie chez moi avec plein de papiers qui arrivent au compte goutte pour finalement n’être réformé qu’au mois de juin 2004…
en conclusion, je peux dire que j’en ai pas mal chié à l’armée… que ces salopards ne m’ont pas rendu la vie facile et que je n’ai pas eu de chance non plus… ça aurait été tout autre si j’étais tombé dans la batterie voisine ! mais je n’ai pas complètement perdu mon temps, j’ai appris pas mal de chose sur le comportement humain, j’ai beaucoup été en contact avec les gens même si pas mal me marginalisaient. J’ai pas mal appris à relativiser les choses, surtout lorsque j’étais planté dans la nature sous la pluie à attendre un ennemi qui n’arrivera jamais. Ou bien à nettoyer mon FAMAS pendant 5 heures parce que de toute façon, ça ne s’arrêtera que lorsqu’on sera passés 10 fois à la revue… ou bien quand pendant une marche difficile, que tout le monde se plaint et que le lieutenant voit un jolie tronc sur le chemin et qu’il nous demande de le prendre avec nous parce que c’est notre nouvel ami et qu’il va falloir désormais veiller sur lui nuit et jour (cf LEM = Loi de l’Emmerdement Maximum)…
et bien, dans tout ça, j’y trouve du bien ! parce que quand ça s’arrête, c’est bon ! mais aussi lorsque ça recommence après dans le civil et ben on repense à ces moments et on en rigole…
l’armée n’est pas une mauvaise chose pour tout le monde, elle canalise beaucoup de jeunes, elle donne des valeurs à bon nombre qui n’en ont pas forcément et on ne tombe pas toujours dans une section de combat… mais en tout cas en ce qui me concerne, je suis bien content de ne pas être passé brigadier au Tchad, car je revis depuis et maintenant , j’ai envie de véhiculer ma joie de vivre^^ !
a+ les cocos !!